Lundi, 15 decembre 1879.
Monsieur et cher confrere,
Le peintre B. Vereschaguine, mon ami et compatriote, va exposer, au cercle de la rue Volney (c d Saint-Arnaud), un assez grand nombre de tableaux et etudes dont le sujet est pris a l'Inde et a la derniere guerre des Balkhans. Il a longuement visite ces pays et a pris lui-meme une part considerable a la lutte dans l'Asie centrale et la Turquie, ou il a ete blesse. Je ne doute pas que le public parisien ne fasse un accueil bienveillant a notre jeune maНtre, dont le talent original et puissant a ete constate par des autorites plus competentes que la mienne.
Le cachet particulier de ce talent est une recherche opiniatre dela verite, dela physionomie, du type dans la nature et dans l'homme, qu'il rend avec une grande justesse et une force quelquefois un peu rude, mais toujours sincere et grandiose. Cette tendance au vrai, au caracteristique,qui depuis notre grand ecrivain Gogol, a pose son empreinte sur toutes les productions de la litterature russe, se manifeste egalement dans l'art russe sous le pinceau de Vereschaguine. Sans compter ses tableaux indiens, qui ont ete exposes cette annee a Londres et qui y ont fait sensation, j'ai eu la bonne fortune de voir dans l'atelier de mon compatriote quelques tableaux nouvellement peints par lui, et dont le sujet se rapporte a la derniere guerre. Ce sont des scenes militaires, mais pas prises dans le sens chauvin. Vereschaguine ne pense pas a poetiser l'armee russe, a lui raconter sa gloire, mais a rendre tous les cТtes de la guerre, les pathetiques, les grotesques et les terribles aussi bien que les autres, les psychologiques surtout, objet de sa constante preoccupation. Ajoutez a cela un coloris energique, un dessin a la fois naif et correct, et vous ne trouverez pas mes eloges exageres. Il y a telle figure de soldat russe qui est un chef-d'oeuvre d'observation exacte et profonde.
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